Observatoire financier des coopératives : vers une fragilisation ?
Une analyse du HCCA souligne une situation contrastée au niveau des équilibres financiers pour les coopératives de la filière des grains, certaines risquant d’être fragilisées. Les plans d’optimisation enclenchés seront-ils suffisants ?
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Les exercices clôturés en 2023 ont été passés à la loupe par l’Observatoire économique et financier du HCCA (Haut conseil de la coopération agricole) pour les coopératives de la filière des grains. La 4e édition de cette étude a été présentée le 31 janvier dernier par François Macé, président de la section économique et financière du HCCA, et Antoine Hacard, président de La Coopération agricole Métiers du grain.
Vigilance sur la capacité d’autofinancement
À partir des données recueillies auprès de 135 coopératives et groupes coopératifs (sur 207 coops en métiers du grain), cette analyse pointe :
- Des éléments consolidants : une marge d’Ebitda relativement stable autour de 3,3 % ; un levier financier (dette financière/Ebitda) en baisse pour les coopératives intermédiaires (entre 100 et 500 M€ de CA) et de grande taille (+ de 500 M€ de CA) ; un ratio d’autonomie financière qui, après un décrochage en 2022, remonte tout doucement pour s’afficher autour de 41 % pour les petites structures (<100 M€) et les intermédiaires et de 26 % pour les plus grandes ; et une progression du ratio Ebitda/fonds propres pour ces deux dernières catégories.
- Des points à surveiller : le retrait du ratio résultat net/CA qui passe en moyenne de 0,51 % (2022) à 0,14 % dans un contexte de hausse des charges opérationnelles et d’érosion des marges ; le recul du ratio capacité d’autofinancement/CA en recul globalement de 0,3 point qui traduit « les effets conjugués de la hausse des frais financiers en raison de celle des taux d’intérêt et d’une rentabilité fragilisée par la hausse des intrants et de l’énergie », rapporte le HCCA. Cependant, les coops intermédiaires le stabilisent, démontrant ainsi une certaine résilience.
- Une situation contrastée avec des performances souvent dégradées pour les petites structures, plus particulièrement celles spécialisées en bio, et qui ont « une moindre capacité à absorber les hausses des charges ».
Un exercice 2024-2025 annoncé difficile
Si l’analyse de l’exercice 2023-2024 par le HCCA reste à venir, les résultats communiqués lors des dernières AG dénotent une situation assez hétérogène selon les structures, des groupes présentant même des résultats négatifs assez conséquents, quand d’autres affichent de bonnes performances ayant permis une plus forte redistribution aux adhérents afin de les soutenir financièrement.
Quoi qu’il en soit, la plupart des coopératives ont annoncé des plans de rationalisation pour tenter d’endiguer un exercice 2024-2025 qui s’annonce compliqué avec « une récolte 2024 qui s’avère la plus mauvaise des récoltes depuis 40 ans », souligne Philippe Dubois de la Sablonnière, responsable économie et international de La Coopération agricole.
Les équilibres financiers pourraient s’en ressentir plus ou moins fortement. « Nos activités métiers du grain auront des résultats médiocres, voire mauvais : c’est un fait conjoncturel. Et en même temps, nous avons à affronter la hausse des charges », affirme Antoine Hacard, président de LCA Métiers du grain et de la coopérative Cérèsia qui vient de lancer son plan pour économiser 8,6 M€ en moyenne par an d’ici fin 2027.
« Ne pas handicaper le futur de nos agriculteurs »
« Nous déployons, en accord avec nos adhérents, un plan d’économie pour fermer 34 silos et 42 postes sans recours à du licenciement », poursuit Antoine Hacard. Et ce, tout en souhaitant maintenir des volumes de céréales élevés grâce notamment à l’innovation et engager 100 % des adhérents dans la transition agroécologique, dérisquer l’activité par une contribution plus forte des filiales à l’EBE et prôner l’excellence opérationnelle.
Pour sa part, Christoph Büren, président du groupe coopératif Vivescia, intervenant également à cette matinée, tient à souligner que l’objectif de son groupe est « de maintenir des marges basses pour ne pas handicaper le futur de nos agriculteurs ; donc, par conséquent, nos résultats seront moins bons ».
Le plan Infrastructures 2030
Le HCCA confirme aussi que l’exercice 2024-2025 sera le plus difficile de l’histoire des coopératives car « au-delà d’une récolte historiquement basse, le contexte macroéconomique fragilise les fondamentaux financiers depuis plusieurs campagnes avec la hausse des charges fixes qui a entamé les marges de 50 % ». Dans le même temps, la filière du grain fait face à un besoin de modernisation des installations de stockage et d’expédition. La question du financement est alors posée. Certaines entreprises reportent d’ailleurs les lignes budgétaires qui avaient été prévues.
Aussi, la profession, sous l’impulsion de La Coopération agricole Métiers du grain, a travaillé sur un plan Infrastructures 2030 pour aller chercher justement des enveloppes et sensibiliser l’écosystème notamment politique à cet enjeu, dans un contexte de souveraineté alimentaire et d’une recherche de diversification qui a des conséquences sur la chaîne logistique et de stockage. Et, de son côté (lire ci-dessous), le HCCA mène une réflexion sur le financement des coopératives.
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